Au terme d'une procédure inédite, la loi de finances pour 2025 a été publiée au Journal officiel du 15 février 2025, expurgée de quelques dispositions mineures déclarées inconstitutionnelles.
Pour mémoire, le débat parlementaire sur le texte avait été suspendu le 4 décembre 2024 au cours de la première lecture du texte au Sénat à la suite de l'adoption d'une motion de censure sur les conclusions de la commission mixte paritaire du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, entraînant par là même la chute du gouvernement Barnier.
Depuis le 1er janvier, la loi n° 2024-1188 du 20 décembre 2024 spéciale prévue par l'article 45 de la loi organique du 1er août permettait d'assurer la continuité de la vie nationale et le fonctionnement régulier des services publics en 2025, dans l'attente de l'adoption de la loi de finances.
Les principales mesures de la loi de finances pour 2025 intéressant tant la fiscalité des particuliers que la fiscalité des entreprises feront l'objet d'une présentation détaillée lors d'une conférence organisée par l'ACE le 9 avril 2025 en salle Haddad.
En complément, la Commission fiscale vous propose une sélection de mesures phares issues de cette loi.
I. Fiscalité des particuliers
A) Revalorisation du barème de l'impôt sur le revenu (art. 2)
L'article 2 prévoit la revalorisation de 1,8 % (au lieu de 2 % suite à la réactualisation de la prévision d'inflation de l'INSEE) de l'ensemble des tranches du barème de l'impôt sur le revenu (« IR ») et des différents seuils et limites qui lui sont associés (plafonnement des effets du quotient familial, décote et autres déductions accordées au titre de certaines charges de famille).
Conséquences de la revalorisation sur les plafonds, seuils et limites | |
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Plafond du quotient familial (cas général) (Art. 197-II du Code général des impôts (« CGI »)) | 1.791 € par demi-part |
Plafonnement du quotient familial : cas des contribuables célibataires, divorcés ou séparés pour la part supplémentaire accordée au titre de leur 1er enfant à charge | 4.224 € |
Plafonnement du quotient familial : cas des contribuables veufs, célibataires, divorcés ou séparés qui ont élevé seuls pendant au moins cinq ans un ou plusieurs enfants | 1.069 € |
Montant de l'abattement accordé en cas de rattachement d'un enfant majeur âgé de moins de 21 ans (marié ou chargé de famille) ou de moins de 25 ans (poursuivant des études) (Art. 196 B du CGI) | 6.794 € |
B) Instauration d'une contribution différentielle sur les hauts revenus (art. 10)
L'article 10 de la loi de finances pour 2025 instaure une nouvelle contribution différentielle sur les hauts revenus (« CDHR »), partiellement codifiée dans un nouvel article 224 du CGI, visant à assurer une imposition minimale de 20 % à l'impôt sur le revenu pour les contribuables disposant des revenus les plus élevés, c'est-à-dire ceux dont le revenu fiscal de référence dépasse 250.000 € pour une personne seule ou 500.000 € pour un couple.
Temporaire, cette contribution différentielle s'applique(rait) pour un an seulement, au titre de l'imposition des revenus de l'année 2025 (en application du texte adopté au Sénat en décembre 2024, elle s'appliquait aux revenus des années 2024 à 2026).
Cette contribution additionnelle sera égale à la différence positive entre :
- D'une part, 20 % du revenu fiscal de référence (retraité) ; et
- D'autre part, la somme de l'impôt sur le revenu, de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (« CEHR ») et de certains prélèvements libératoires.
Un mécanisme de décote est prévu pour atténuer les effets de seuil pour les revenus entre 250.000 € et 330.000 € (ou 500.000 € et 660.000 € pour un couple).
Le calcul prend en compte divers avantages fiscaux (réductions d'impôt, crédits d'impôt) pour déterminer le montant réel de l'imposition.
A noter que les titulaires d'un revenu exceptionnel (revenu qui, par sa nature, n'est pas susceptible d'être recueilli annuellement et dont le montant dépasse la moyenne des revenus nets d'après lesquels le contribuable a été soumis à l'impôt sur le revenu au titre des trois dernières années) sont autorisés à ne comprendre que le quart de ce revenu pour la détermination de la CDHR 2025.
La CDHR devra, pour 95 % de son montant, être versée au Trésor public au cours des quinze premiers jours de décembre 2025 sous la forme d'un acompte ayant pour base le montant estimé de la contribution qui ressortira du revenu de l'année 2025.
Une pénalité de 20 % est prévue en cas de retard ou si l'acompte s'avère inférieur de plus de 20 % à 95 % du montant de la contribution.
C) Prorogation de l'abattement dirigeant jusqu'en 2031 (art. 70, II)
Les plus-values soumises à l'IR réalisées par les dirigeants de petites et moyennes entreprises (« PME ») soumises à l'impôt sur les sociétés (« IS ») qui cèdent les titres de leur entreprise à l'occasion de leur départ à la retraite sont réduites, sous certaines conditions, d'un abattement fixe de 500.000 € (« Abattement Dirigeant »), quelles que soient les modalités d'imposition de ces gains (prélèvement forfaitaire unique ou barème progressif).
L'article 70, II de la loi de finances pour 2025 proroge pour sept ans l'application de cet abattement dont le terme était antérieurement fixé au 31 décembre 2024.
L'Abattement Dirigeant demeure donc applicable aux cessions et rachats réalisés jusqu'au 31 décembre 2031, ainsi que, le cas échéant, aux compléments de prix afférents à ces mêmes opérations et perçus jusqu'à cette date.
Cet abattement fixe de 500.000 € est déductible pour le calcul du revenu fiscal de référence soumis à la CDHR en 2025.
D) Renforcement des obligations déclaratives pour le crédit d'impôt services à la personne (art. 4)
L'article 4 de la loi de finances modifie l'article 199 sexdecies du CGI en élargissant le périmètre des informations à déclarer dans le cadre du crédit d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile. Le texte impose désormais aux contribuables de préciser non seulement les sommes versées, mais également la nature de l'organisme prestataire et l'identité de la personne morale ou physique fournissant les services ouvrant droit au crédit d'impôt.
E) Revalorisation de la réduction d'impôt IR-PME pour les FCPI et recentrage territorial des FIP (art. 12)
L'article 12 de la loi de finances modifie l'article 199 terdecies-0 A du CGI en augmentant le taux de réduction d'impôt de 18 % à 25 % pour les fonds d'investissement soutenant l'innovation (« FCPI »), tout en supprimant l'avantage fiscal pour les fonds d'Investissement de Proximité (« FIP ») métropolitains.
F) Majoration de la plus-value de cession des LMNP des amortissements pratiqués (art. 84)
L'article 84 de la loi de finances pour 2025 homogénéise le calcul des plus-values de cession réalisées par les loueurs en meublé professionnels (« LMP ») et non professionnels (« LMNP ») en réintégrant les amortissements (BIC) déduits dans l'assiette de la plus-value réalisée à l'occasion de la cession de leur bien par ces derniers. Il établit également une liste d'exceptions à cette réintégration.
Les LMNP doivent désormais minorer le prix d'acquisition du bien cédé du montant des amortissements admis en déduction en application de l'article 39 C du CGI, sauf ceux déjà considérés dans le calcul de l'IR (CGI art. 150 VB, III nouveau).
L'article prévoit une dérogation spécifique pour certains types de logements répondant à des besoins sociaux particuliers. Trois catégories d'établissements sont ainsi exclues du nouveau dispositif de calcul des plus-values :
- Les résidences étudiantes et pour jeunes actifs (moins de trente ans en formation, stage, alternance) ainsi que pour les personnes de plus de soixante-cinq ans ;
- Les établissements médico-sociaux pour personnes âgées ou handicapées, incluant les résidences services agréées et les logements en accueil familial ;
- Les établissements de soins longue durée avec hébergement pour personnes dépendantes nécessitant une surveillance médicale constante.
Pour ces biens spécifiques, les investisseurs non professionnels conserveront l'ancien régime fiscal : lors du calcul de la plus-value de cession, le prix d'acquisition ne sera pas minoré des amortissements précédemment déduits pendant la période de location.
Les nouvelles dispositions s'appliqueront aux plus-values réalisées sur les cessions intervenant à partir du lendemain de la promulgation de la loi de finances soit le 16 février 2025.
Cette réforme s'inscrit dans la volonté du législateur de durcir les règles d'imposition des loueurs en meublé. Des incertitudes sur le calcul et leur application aux contribuables ayant opté pour le régime du micro-BIC demeurent.
G) Aménagement du régime fiscal des BSPCE (art. 92)
En réaction à deux décisions récentes du Conseil d'Etat, la loi aménage le régime d'imposition des bons de souscription de parts de créateur d'entreprise (« BSPCE »).
Ainsi, d'une part, la loi modifie les dispositions applicables afin d'interdire l'inscription sur un plan d'épargne en actions (« PEA ») ou un PEA-PME, de droits ou bons de souscription ou d'attribution et de titres souscrits en exercice de ceux-ci, à l'exception des droits préférentiels de souscription attribués en raison de titres cotés inscrits sur le plan.
Ces modifications s'appliquent aux droits ou bons de souscription ou d'attribution attribués ou exercés à compter du 10 octobre 2024. Les titulaires de PEA ou de PEA-PME sur lesquels figurent des bons au 10 octobre 2024 sont autorisés à les retirer en effectuant un versement compensatoire en numéraire.
D'autre part, la loi prévoit, sur le modèle du régime des options de souscription d'actions ou des attributions gratuites d'actions, de distinguer entre l'avantage salarial constaté lors de l'exercice du bon et l'éventuelle plus-value ultérieurement dégagée lors de la cession des titres :
- Le gain salarial, égal à la différence entre la valeur réelle des titres souscrits au jour de l'exercice des bons et le prix d'acquisition des titres fixé au jour de l'attribution de ces bons, sera imposable :
- Soit, si le contribuable a exercé son activité chez la société émettrice depuis au moins trois ans à la date de la cession, au taux de 12,8 % ou, sur option, selon les règles des traitements et salaires ;
- Soit au taux de 30 % dans le cas contraire ;
- La plus-value, égale à la différence entre le prix de cession des titres souscrits en exercice des bons et leur valeur au jour de l'exercice de ces bons, sera imposée selon le régime de droit commun des plus-values mobilières.
Le gain salarial sera imposé au titre de l'année au cours de laquelle les titres souscrits sont cédés, convertis ou mis en location. Faute de règle particulière, le gain salarial sera en revanche immédiatement imposé en cas d'apport en société des titres souscrits en exercice de BSPCE.
Ces modifications s'appliquent aux BSPCE, et aux titres souscrits en exercice de ces bons, lorsque la souscription des titres est intervenue à compter du 1er janvier 2025.
H) Aménagement du régime fiscal des management packages (art. 93)
Afin de clarifier le droit applicable en matière de plans d'investissement des dirigeants et salariés, notamment suite aux décisions rendues par le Conseil d'État en matière de « management packages », l'article 93 de la loi de finances pour 2025 soumet au régime des plus-values des particuliers prévu à l'article 150-0 A du CGI les gains nets réalisés sur des titres lorsqu'ils ont été souscrits ou acquis par des salariés ou dirigeants ou attribués à ceux-ci, en lien avec l'exercice de leurs fonctions au sein de la société émettrice, dans la limite d'un montant déterminé par application au prix payé pour la souscription ou l'acquisition desdits titres d'un multiple de la performance financière de la société émettrice sur la période de détention, diminué dudit prix de souscription ou d'acquisition.
Un nouvel article 163 bis H du CGI définit ainsi un seuil en-deçà duquel le gain réalisé pourra être considéré comme une plus-value et au-delà duquel le gain réalisé sera nécessairement considéré comme une rémunération, imposé en tant que traitement et salaire, dès lors qu'il est lié à la qualité de salarié du bénéficiaire.
Ces nouvelles règles en matière d'IR s'appliquent aux cessions réalisées à compter du lendemain de la promulgation de la loi de finances soit le 16 février 2025.
Est également ménagé le régime social applicable à ces mêmes gains.
II. Fiscalité des entreprises
A) Abaissement et uniformisation des seuils de la franchise en base de TVA (art. 32)
L'article 32, I-7° de la loi de finances pour 2025 modifie à nouveau les règles applicables à la franchise en base en matière de taxe sur la valeur ajoutée (« TVA ») : il supprime les franchises spécifiques à certaines professions, notamment d'avocat, et abaisse à 25.000 €, quelle que soit l'activité exercée, le plafond de chiffre d'affaires permettant de bénéficier de la franchise, et ce dès le 1er mars 2025.
Devant les interrogations suscitées par la présente mesure et sa mise en œuvre prévue au 1er mars, une consultation a été organisée par la ministre déléguée chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire avec les parties prenantes afin de recueillir les préoccupations, les attentes et les suggestions de chacun des acteurs et d'assurer une mise en œuvre dans les meilleures conditions au cours de l'année 2025.
A l'issue de ces discussions, l'administration a indiqué dans un rescrit du 3 mars 2025 publié au Bulletin Officiel des Finances Publiques (BOI-RES-TVA-000198) que la sortie de la franchise en 2025 en cas de dépassement des seuils issus de la loi de finances pour 2025, c'est-à-dire l'obligation de collecter la TVA et la faculté de la déduire, interviendra pour les opérations effectuées à compter du 1er juin 2025.
B) Instauration d'une contribution exceptionnelle sur l'IS des grandes entreprises (art. 48)
L'article 48 de la loi de finances pour 2025 instaure une contribution exceptionnelle additionnelle à l'IS due par les entreprises réalisant en France un chiffre d'affaires égal ou supérieur à 1 milliard d'euros.
Cette contribution exceptionnelle est temporaire, puisqu'elle n'est due qu'au titre du premier exercice clos à compter du 31 décembre 2025 (au lieu des deux exercices consécutifs clos à compter du 31 décembre 2024 prévus initialement).
L'assiette de la contribution exceptionnelle est égale à la moyenne de l'IS dû au titre de l'exercice au cours duquel la contribution est due et au titre de l'exercice précédent, calculé sur l'ensemble des résultats imposables aux taux prévus à l'article 219 du CGI (taux normal et taux réduits) et déterminé avant imputation des réductions et crédits d'impôt et des créances fiscales de toute nature.
Pour les redevables dont le chiffre d'affaires réalisé au titre de l'exercice au cours duquel la contribution exceptionnelle est due et au titre de l'exercice précédent est inférieur à 3 milliards d'euros, le taux de la contribution exceptionnelle est fixé à 20,6 %.
C) Report de la suppression de la CVAE à 2030 et création d'une contribution complémentaire pour 2025 (art. 62)
Modifiant l'article 55 de la loi de finances pour 2023, l'article 79 de la loi de finances pour 2024 avait reporté à 2027 la suppression totale de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (« CVAE »), initialement programmée pour 2024, et avait prévu une réduction progressive du taux de la CVAE sur trois années : 2024, 2025 et 2026.
L'article 62 de la loi de finances pour 2025 reporte à 2030 la suppression totale de la CVAE, de sorte que le taux maximal, applicable aux entreprises ou aux groupes dont le chiffre d'affaires excède 50 millions d'euros, correspondra à celui figurant au tableau ci-dessous.
Année | 2025* | 2026 | 2027 | 2028 | 2029 | 2030 |
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Taux | 0,19 % | 0,28 % | 0,28 % | 0,19 % | 0,09 % | N/A |
* Taux de la CVAE stricto sensu compte non tenu de la contribution complémentaire applicable en 2025.
Afin de compenser la perte engendrée par l'application immédiate de la réduction du taux de CVAE pour les impositions dues au titre de 2025, le présent article institue une contribution exceptionnelle qui vient s'ajouter à la cotisation de CVAE due au titre de 2025.
La contribution complémentaire est égale à 47,4 % de la CVAE due au titre de 2025.